Le berceau

Levesville-la-Chenard

Père Louis Chauvet

Fondateur, Sœurs de Saint Paul de Chartres

Pasteur missionnaire à Levesville-la-Chenard

En juin 1694, Louis Chauvet arriva à Levesville où il fut nommé curé. Levesville était un village à 38 kilomètres de la ville de Chartres. Il devint également pasteur des hameaux d’Abonville et d’Ensonville. Pendant 16 ans, l’abbé Chauvet se dévoua à améliorer les conditions humaines et spirituelles de ses paroissiens. Il fut un père spirituel pour tous: les pauvres, les enfants, les paysans, les artisans ainsi que les petits nobles. Il les accueillait dans son presbytère, les instruisait, leur conférait les sacrements, les visitait quand ils étaient malades, partageait leur joie aux mariages et aux baptêmes et les accompagnait à leur dernière heure.

Les choses ordinaires et communes semblaient neuves et d’une grande qualité sous l’inspiration délicate du jeune prêtre de Provence.

Cela était vrai vers la fin du 17e siècle, et cela l’est encore aujourd’hui: quiconque remarque et découvre les qualités cachées du père Chauvet, ne peut nier combien son attachement à la beauté révèle son don de faire ressortir la bonté autour de lui. On le voit à travers les transformations discrètes
qu’il a su réaliser dans la paroisse de Levesville.

"ULTIMA LATET"

Le père Louis Chauvet avait ce don particulier de voir et de créer ce qui ne se limite pas seulement à la beauté structurelle: il avait non seulement rénové le mais fait créer jusqu’au cadran solaire – avec l’inscription «ultima latet» – qui existe encore aujourd’hui. Sa présence et la qualité de son ministère sacerdotal l’ont également amené à faire des changements dans la vie communautaire de sa paroisse. Son dévouement, son zèle ardent opéraient sans bruit comme le légendaire levain dans la pâte. 

La plus grande transformation qu’il entreprit, vient d’un projet cher à son cœur et qu’il réalisa, à partir du moment où il put discerner la cause des grandes souffrances des pauvres dans la région de la Beauce.

Mis à part le fait que les campagnes étaient généralement négligées par les services publics, elles furent souvent aussi les dernières à recevoir les bénéfices et l’attention des congrégations religieuses, majoritairement installées dans les grandes villes.

Le charisme du fondateur

Quand le père Chauvet arriva en Beauce, il n’existait point d’organisation de secours pour les victimes des épidémies, ni pour les veuves et les vieillards abandonnés. L’ignorance de Dieu et l’impossibilité pour les populations indigentes de recevoir une instruction créaient une situation oppressive, ignoble.

La semence d’un projet religieux a pris racine dans le secret du cœur et de l’esprit du père Louis Chauvet. Bien qu’il n’eût jamais parlé ouvertement jusqu’alors, d’ouvrir une école à Levesville, il est enregistré dans les actes officiels de la paroisse, la date précise où il a fait un pas vers la réalisation de ce projet: « Le 28 avril 1695 le curé de Levesville loue 9 septiers environ pour l’entretien d’une maîtresse d’école. » (Acte notarié, bail des terres de la fabrique).

Désormais, la fondation d’une communauté religieuse enseignante n’est plus un simple rêve. Bientôt, sous les regards sceptiques de certains opposants, le jeune curé de Levesville trouva le moyen de transformer progressivement ce modeste village de la campagne en une communauté qui s’ouvre à l’esprit de l’Évangile.

Un homme au cœur de feu

Les formation et transformation  des Marie-Anne de Tilly, Marie Micheau et Barbe Foucault – les premières Filles de l’école de Levesville vient d’une conversion du cœur, d’une foi solide, traversée par l’épreuve, d’une patience mûrie dans la souffrance: une route pascale. Elles furent toutes façonnées à l’école de la spiritualité du père Chauvet en disciples du Christ a favorisé la fondation de la Congrégation des Sœurs de Saint Paul de Chartres en 1696, l’ouverture de la première école en 1700 à Levesville et de là, dans tous les continents.

Elles furent les petits grains de blé tombé sen terre, qui meurent pour donner une récolte abondante. Elles sont mortes jeunes, mais mûres pour la vie éternelle. 1702: Mère Marie Micheau, 19 ans; 1703: Mère Marie-Anne de Tilly, 38 ans; 1726: Mère Barbe Foucault, 45 ans.

Le père Louis Chauvet, fondateur des Sœurs de Saint Paul de Chartres meurt le 21 juin 1710. Il fut inhumé dans l’église de Levesville le 22 juin 1710.

En 1843, Mère Maria Rouyrre, Supérieure Générale, a fait transférer les restes du père Chauvet à la chapelle de la maison mère à Chartres.

Comment a-t-il pu aider la jeune Marie-Anne de Tilly, âme fidèle à son devoir de fille aînée d’une famille noble mais ruinée, à se métamorphoser pour oser quitter la maison familiale et devenir maîtresse et co-formatrice des premières recrues ? 

De Pertuis à Levesville
Un homme fut envoyé
Prêtre de Dieu au cœur de feu
Père Louis Chauvet.

Pressé par l’amour du Christ
Comme le fut l’apôtre Paul
Répondant aux besoins de l’Église
Sensible aux signes des temps.

Des jeunes filles vous ont suivi
Enthousiasmées par votre projet
Pour faire connaître l’amour du Christ
Aux jeunes, aux pauvres, aux souffrants.

Vous les avez conduits dans la simplicité, la pauvreté
Dans la prière et le don de soi spontané ;
Animée par la charité du Christ
Leur vie fut don d’amour.

Père Louis Chauvet,
Votre vie fut marquée du sceau pascal
Diminuant afin que le Christ grandisse
Mourant pour que la semence croisse.

Homme au cœur brûlant,
Vous avez accueilli le don de Dieu.
Par vous, il nous embrase. Tel un feu dévorant
Il se répand humblement sur nos routes humaines.

Et encore plus tard, comment a-t-il su guider cette craintive et aimante fille, bravant les menaces de sa belle-mère pour vivre en communauté avec les filles des paysans, et en devenir deuxième supérieure ?

D’où venait l’audace et cette assurance de la jeune Marie Michaud, 17 ans, qui ne savait pas ce qu’était une école, mais qui sut se laisser façonner pour être d’abord une élève d’une vive intelligence, puis une maîtresse d’école, responsable en même temps de la première communauté des Filles de Levesville en 1700 ?

Qui aurait pu imaginer que la timide et silencieuse Barbe Foucault, auparavant domestique dans une grande ferme, dépasserait, elle aussi, sa timidité ? Elle parvint à acquérir cette tranquille audace qui fit d’elle une infirmière et la supérieure d’un hôpital, et sera en 1717, la première Supérieure Générale de la Congrégation élue par ses Sœurs.

Ses derniers jours....

C’est le mois de juin. Le mois des jours les plus longs. Dehors les épis, chargés de grains, s’enflent sous le soleil; la moisson tant attendue s’annonce prometteuse: encore un peu de temps et les greniers s’empliront à nouveau de ce grain doré qui redonnera leur dignité à tant de foyers accablés par la disette.

À Levesville, les habitants se préparent aux beaux jours, les veufs et les veuves pensent à se remarier, les jeunes gens retrouvent le goût de la vie; avec l’été la lumière est au plus haut, de nouveaux enfants vont pouvoir naître, vivre et faire revivre. Au presbytère, Geneviève, toujours dévouée, s’active inlassablement. Le jeune Louis, âgé de 17 ans, et tout nouvellement arrivé de Pertuis, apprécie sa tante et aime déjà cet oncle qui doit le conduire sur le chemin de la prêtrise. Ici aussi la lumière luit, mais la lueur est toute pascale: celui qui est à la fois le frère aîné, l’oncle et le pasteur sent son heure venir. Dorénavant ses jours sont comptés.

Le 13 juin, c’est l’inhumation à l’église, d’une petite Françoise Gatineau, un bébé d’un mois. Cet enterrement marque la fin de toute activité pour le Père Chauvet car les forces lui manquent et l’acte, rédigé par une main étrangère, précise a posteriori: «Monsieur le curé n’a pu signer à cause de la mort qui l’a prévenu. »

Le 15 juin, de sa propre main, au lit, malade mais parfaitement lucide, le Père Chauvet apporte quelques corrections à son testament, rédigé un soir de novembre 1706. Quatre ans ont passé. Ses «chères filles » sont maintenant sous la responsabilité de l’évêque; c’est donc à son représentant, le Père Maréchaux, que va toute sa confiance.

Le 15 juin, de sa propre main, au lit, malade mais parfaitement lucide, le Père Chauvet apporte quelques corrections à son testament, rédigé un soir de novembre 1706.
Quatre ans ont passé. Ses «chères filles » sont maintenant sous la responsabilité de l’évêque; c’est donc à son représentant, le Père Maréchaux, que va toute sa confiance.

Les dernières volontés du prêtre nous renseignent enfin sur l’esprit de pauvreté qui l’animait. « Ses charités ordinaires aux pauvres » qu’il souhaite voir continuer jusqu’à la prochaine récolte de grains, et sa capacité à
«disposer sagement et prudemment des biens de l’Église que Dieu lui a donnés » attestent d’un authentique partage et d’un souci de se comporter en bon gérant de biens dont il n’est que le dépositaire.

Le 19 juin, c’est la fête du Saint Sacrement. En ce jeudi de la Fête-Dieu, la messe est suivie de la grande procession qui sera d’autant plus fervente que la misère fut grande. Les reposoirs, disposés le long du parcours, sont tous chargés de fleurs pour accueillir Dieu lui-même, présent au milieu d’un peuple, fier de lui faire escorte.

Le chant du Tantum Ergo, qui ponctue l’adoration des fidèles, agenouillés à chaque station, peut être entendu du presbytère… Les paroissiens prient pour leur pasteur absent qui va recevoir « les sacrements de pénitence, Eucharistie et Extrême Onction »… Déjà la procession qui entourera le viatique est prête, pour aller, en grande solennité, le moment venu, de la sacristie à la chambre du malade.

Vendredi 20 juin :

 sur la façade du presbytère, le cadran solaire affiche son ineffaçable devise: «Ultima latet » (la dernière heure reste cachée)… Cette heure ultime est en train de se dévoiler… Le père Chauvet va vers son Seigneur et son Dieu.

Geneviève s’affaire pour alléger les souffrances du malade. Le jeune Louis voit chanceler ses projets relatifs à un avenir de prêtre. Au «berceau» les filles de l’école veillent, prient et travaillent. Tous les habitants de Levesville, Abonville et Ensonville attendent le signal: ils vont perdre leur curé, celui qui les a baptisés, confessés, mariés, instruits, depuis 16 ans, leur parlant de Résurrection et leur donnant le goût de la vie en Dieu et le désir de vivre en enfants de Dieu.

Le 13 juin, c’est l’inhumation à l’église, d’une petite Françoise Gatineau, un bébé d’un mois. Cet enterrement marque la fin de toute activité pour le Père Chauvet car les forces lui manquent et l’acte, rédigé par une main étrangère, précise a posteriori: «Monsieur le curé n’a pu signer à cause de la mort qui l’a prévenu. »

 

Samedi 21 juin:

Il est 10h. Quelque part, sur la route d’Abonville, un petit groupe de trois hommes s’achemine vers l’étude de Maître Sirou. Accompagné de deux témoins, le Père Blot curé de Mérouville et Jean Gatineau , père de la petite Françoise décédée le 13 de ce mois, le Père Georges Mineau remet le testament «d’humble et discrète personne, Messire Louis Chauvet, de son vivant, curé de Levesville» entre les mains du notaire.

Une page se tourne, mais c’est le début d’une belle histoire, celle des Soeurs de Saint Paul de Chartres, qui s’écrit depuis trois cents ans, avec des mots de louange, de solidarité et de paix, calligraphiés en des langues de plus en plus diverses.

In Paradisum

Dimanche 22 juin:

À Lévesville, le Père Georges Mineau célèbre, après avoir reçu sa confession, l’inhumation d’un mendiant venu d’ailleurs et dont le nom est inconnu. Nicolas Legat, bedeau, et Etienne Benoît sont là pour lui assurer une sépulture décente. Cet homme, de 50 ans environ, sans identité, mais bien connu de Dieu, repose désormais au cimetière, en bordure de l’église. 

Pendant ce temps, les habitants en deuil, prennent le chemin de la paroisse. Ce dimanche n’est pas ordinaire: hommes, femmes et enfants viennent pour un dernier adieu à leur curé, à ce prêtre originaire de Provence, qui a su conquérir leurs coeurs. 

Fortifiés par son enseignement et fermes dans la foi, ils écoutent la messe de Requiem en latin, avec la grande séquence du Dies irae.

Le Père Maréchaux, mandaté par l’évêque, conduit la célébration, accompagné du Père Blot et du Père Georges Mineau. Après l’absoute, selon la volonté du défunt, « sans grande solennité, le corps est porté en terre devant le grand autel, à la place ordinaire des curés », non loin de l’autel de la Vierge où reposent « les premières filles de l’école » : Marie Micheau, Marie Anne de Tilly et Catherine Sirou… Au milieu d’une assemblée nombreuse, le choeur entonne In paradisum:

SOURCE :  « Père Louis Chauvet, fondateur des Sœurs de Saint-Paul de Chartres 1710-2010. »